Le trajet vers Courmayeur se fait rapidement, suivi d’un léger échauffement avant le départ. Sur la ligne, on se regarde, on s’observe. Sans pression, j’écoute les trois hymnes nationaux des pays que nous allons traverser.
Courmayeur -> Champex -> Chamonix
101km pour plus de 6000m de D+ …
Le départ est donné. Les premiers hectomètres nous permettent de nous placer avant d’attaquer la première bosse. Et quelle bosse, plus de 1000 mètres de dénivelé positif pour nous amener jusqu’au premier point de passage, le refuge Bertone.
A ce moment là, je suis dans un bon rythme, je reste dans ma bulle afin de ne pas trop m’exciter. Beaucoup de coureurs me doublent, mais ce n’est pas grave. Il s’agit de mon premier ultra, je veux en ressortir plus fort et surtout satisfait. Ma volonté est de prendre du plaisir et de confirmer mon envie d’allonger la distance. Comme je l’ai beaucoup entendu, un ultra c’est long, je vais certainement connaitre de grosses fluctuations au niveau physique durant l’épreuve.
Au premier point, je suis dans les 30 premiers. Je pensais être plus loin dans le classement. Je n’avais pas reconnu cette première difficulté. Le paysage est magnifique, cela enlève encore plus la peur de ne pas réussir, on ne peut que réaliser une belle course, peu importe le résultat.
Je me retrouve avec Nicolas, avec qui j’avais déjà fait un bout de chemin lors de la 6000D. On échange, je lui explique un peu la suite du parcours. Il y a pas mal de relances et je peux allonger la foulée sans gaspiller trop d’énergie.
Après plusieurs kilomètres, je suis au refuge Bonati, je vois Adrien au loin que je finis par rejoindre après quelques minutes. C’est vraiment une personne que j’apprécie, être dans un panorama comme celui-ici et pouvoir discuter avec lui est simplement top.
Toujours en Italie, nous descendons vers le deuxième gros ravitaillement avant d’entamer la montée vers le grand col Ferret. Adrien n’est pas dans son meilleur jour, je repars seul à l’assaut de cette nouvelle difficulté. Je me retrouve alors avec d’autres coureurs, la plupart étrangers, Américains, Espagnols… Le chemin est plus dur, j’y laisse un peu plus d’énergie.
Il va falloir que je rentre plus dans ma course pour grappiller quelques places au classement. J’arrive enfin au sommet et bascule aussitôt vers La Fouly en Suisse. Il n’y a rien de technique ici, je peux engager la foulée et maintenir un bon rythme. Je sens quand même une gêne, une ampoule se fait ressentir sous mon talon droit …
Le beau temps est là lorque j’arrive à La Fouly après 20 km de descente. Pour mon arrivée en Suisse, je suis même accueilli par Jules Henry et sa bonne humeur habituelle. Je me pose au ravitaillement. Je me ravitaille en boissons et en solide pour mieux repartir vers Champex, prochaine étape de ce long périple.
Je relance sur la dizaine de kilomètres qui séparent La Fouly de Champex. Je récupère encore quelques places. Je tombe sur Youyou, l’homme vache venu acclamer les coureurs. Je me permets de faire quelques pas de danse et chanter avec lui. C’est excellent de croiser des personnes comme ça.
Une fois à Champex, je montre mon matériel car l’organisation m’a choisi pour un contrôle. Ca me permet de me poser et de bien repartir à l’attaque des 3 derniers cols de la journée.
Direction La Forclaz, dernière étape Suisse. Je monte alors vers Bovine, je ne croiserai personnne. Ce sera plus dur cette fois ci. La fatigue commence à se faire sentir. La Forclaz, je passe rapidement pour rejoindre Trient, autre ravitaillement.
Trient, ça devient fatiguant, mais j’aime cette épreuve, j’aime ce nouveau format que je découvre dans le trail. La gestion est quand même là, je suis heureux de vivre ce moment. L’ultra est vraiment quelque chose que j’adore. Certes, ce n’est que le début, mais ça m’attire énormément.
L’avant dernière bosse se gère de manière tranquille, je vois au loin Thomas et je le rejoins petit à petit pour le dépasser à la moitié de la montée. J’arrive en France, et j’ai le sourire aux lèvres.
Vallorcine, dernière étape. Je me pose, je suis assez bien, il ne reste plus que la tête aux vents. Je me dirige vers le col des Montets, point de départ de la dernière bosse. L’ascension se fait en courant, j’attaque cette difficulté avec sérénité. Je monte, je gère, j’en garde pour la fin. Le brouillard fait son apparition, la pluie aussi, et bientôt la nuit. J’aime les conditions diffciles, je n’allume pas encore ma frontale. Je regarde derrière moi, personne … Il faut que j’aille chercher devant maintenant !
Après le sommet, place à la descente, que je connais parfaitement. La visibilité est difficile, je ne vois plus qu’à 2 ou 3 mètres. Je sais que pour les autres c’est pareil. Je descends, et là, je ne vois plus de chemin. Pourtant quelques mètres auparavant, j’avais vu une rubalise. Je cherche, rien … Je retourne sur mes pas, rien …
Je passe par un endroit qui me semble le plus approprié,mais qui ne ressemble pas vraiment à un sentier balisé. J’éteins ma lumière pour en voir d’autres au loin, je suis seul face à des conditions difficiles. Je décide d’appeler le PC pour me faire localiser grâce à ma puce.
On me voit entre deux chemins, mais impossible pour moi d’en rejoindre un. Mon téléphone prend l’eau, il s’éteint tout comme ma montre GPS … Je suis vraiment seul au monde … Après 45 minutes de calvaire et de galère, je vois 3 coureurs passer au dessus de moi. Je décide de les rejoindre en coupant à flan de montagne. Dangereux, mais seule réelle solution pour retrouver le chemin. Je repars finalement vers la Flègère en ayant laissé beaucoup de forces dans cette mésaventure.
Une fois à la Flègère, je ne m’arrête pas au ravito, je veux juste rejoindre la ligne d’arrivée. Je veux me coucher et oublier tout ça. La descente se fera doucement et sans saveur ni plaisir.
Je rejoins Jack et mon Ludo. La ferveur du public me redonne le sourire, je me souviendrai longtemps de l’ambiance magique de l’arrivée. Je passe la ligne, la pluie s’arrête, peut être est-ce un signe …
Entre déception et bons souvenirs, je reste mitigé. Mais une chose est sûre, je veux augmenter encore la distance et rentrer dans l’ultra, le vrai ! Merci à tous mes partenaires de course et surtout merci à vous.
Yoann Stuck