Ou à trois. Ou à quatre, l’essentiel est de communier. Il paraît que le bonheur n’existe que lorsqu’il est partagé, cela vaut donc pour notre sport préféré.
Il y a deux catégories de coureurs. Enfin, il y en a tout un tas mais il y en a deux qui m’intéressent en l’occurrence.
D’abord les solitaires. Ceux qui s’entraînent seuls, partent en compétition seuls, et tracent leur route en intériorisant. Et puis il y a les autres, les bavards ou les hypersensibles, les couples à l’amour indéfectible… Bref, ceux qui courent à plusieurs, à partir de deux et sans limite de nombre.
Bien sûr beaucoup se résignent à faire un peu les deux. Courir seul reste ce qu’il y a de plus simple pour s’organiser. Mais quand-même, le dimanche venu, quel plaisir d’enfiler le maillot du club avec les copains, ou de franchir une ligne d’arrivée main dans la main.
C’est parfois difficile sur certaines épreuves
C’est notamment compliqué lorsqu’on cherche à tout prix à performer. Difficile d’être à fond et de terminer en même temps à la seconde près sur un 10 kilomètres. Pas évident non plus de courir sur un trail longue distance à bloc en restant ensemble, avec les coups de bambou que chacun peut subir, rarement au même moment.
Cela demande donc parfois de faire quelques concessions du point de vue de la performance pure. Mais quelle récompense au bout du compte ! Des échanges, des fous rires, des douleurs partagées aussi, une épaule pour se consoler quand la tête ne suit plus et que les jambes aimeraient bien s’étendre sur ce coin d’herbe fraîche là, au bord du sentier. Et puis une arrivée partagée, un soulagement et la fierté d’avoir vécu, d’être arrivé au bout d’une histoire ensemble.
C’est mielleux mais c’est beau, et si vous n’avez jamais vécu cela je vous conseille vivement d’essayer. Pour vous donner une idée, imaginez ce moment, quand, après trois bouteilles de vin à 2 heures du matin, tanguant plus encore qu’un bateau dans la tempête, vous serrez un copain dans les bras et lui criez en sanglots qu’il est votre ami pour la vie. Multipliez ensuite cette émotion par cent. Retirez la gueule de bois, ajoutez quelques courbatures le lendemain. Voilà.
Mais c’est parfois une force sur d’autres courses
Tout dépend de votre objectif ! Si c’est simplement de finir, courir à plusieurs est une excellente idée. On se remonte le moral, on s’encourage, on se file des coups de pompe dans les muscles postérieurs, bref, on se tire vers le haut.
Et puis si on a un niveau plutôt proche, on peut se donner des relais, profiter des points forts de l’un ou de l’autre, bref, profiter de ce que chacun a à offrir. Cela vaut évidemment aussi pour le verre à l’arrivée !
Bien sûr, cela n’empêche pas de couper les ponts lorsque l’un des deux se sent pousser des ailes par exemple.
Personnellement je cours régulièrement avec mon frère. Nous sommes très proches, on habite loin l’un de l’autre et passer une dizaine d’heures à bavarder en exerçant notre activité favorite est précieux. Mais lorsqu’on voit que l’un ralentit l’autre considérablement il nous arrive de nous séparer, à condition que le plus lent soit dans un état convenable pour finir seul sereinement. Bien souvent, il faut d’ailleurs que la « séparation » vienne de ce dernier, qu’il laisse le second bondir jusqu’à l’arrivée.
C’est à discuter, à peser le moment venu. Et cela n’empêche évidemment pas de se retrouver à la buvette une fois la ligne franchie. Tous ces moments sont sublimés par les éléments que vous connaissez bien : l’euphorie d’après course, la satisfaction de l’objectif accompli, le sentiment d’avoir donné tout ce vous aviez en magasin.
Cela vaut aussi bien sûr si votre moitié partage votre passion pour la course à pied. Pardonnez cet excès de sentimentalisme -je ne dispose sans doute pas d’une virilité exacerbée- mais j’ai un jour eu une petite larme en voyant une dame et un monsieur d’une soixantaine d’années terminer un trail main dans la main, yeux dans les yeux après plus de dix heures de labeur. J’étais déjà arrivé, douché, mais j’ai trouvé ça beau et leur aventure avait sans doute un tout autre sens que la mienne, courue nez dans le guidon pour finir seul pif dans le gazon.
Crédit photo : Clémence Piteau