On estime aujourd’hui à plus de 40 ces évènements organisés aux 4 coins de la France. Qu’est-ce qui peut bien pousser les participants à débourser souvent plus de 50 euros pour se rouler dans la boue ? Pourquoi aiment-ils se faire mal en franchissant des obstacles en feu ou électrifiés ? Et surtout, peut-on encore assimiler ça à du running ? Enquête autour de ces courses d’un nouveau genre.
9, 10 et 11 Mai 2014, Beynes, près de Paris : Sur ces 3 jours, ce sont près de 22 000 personnes qui ont participé à “The Mud Day« , course à obstacles à fort accent militaire mettant en avant sur son site internet des valeurs tels que le courage, l’esprit d’équipe, le mental, ou encore la force. Un succès public et critique, donc, pour une course bien rodée.
Avec plus de 20 obstacles répartis sur 13 kilomètres, les nombreux inscrits en ont pour leur argent, terminant bien souvent le parcours sur les rotules, le corps perclus de crampes et marqué par de multiples bleus.
Ces courses seraient-elles donc faites pour des purs masochistes ? C’est la question que nous avons posée à Julien, qui a participé à plusieurs courses à obstacles par le passé : “Avant toute chose, ce que je recherche en participant à ces courses, c’est le dépassement de soi : j’ai vraiment envie de connaître mes limites, j’ai envie de me faire mal et de me prouver que je suis capable d’aller jusqu’au bout de l’effort qui m’est imposé. Il y a aussi cette notion de partage qui est mise en avant, avec la possibilité de participer à la course en constituant une équipe de plusieurs personnes. Ca pousse à l’entraide, et c’est un sentiment agréable. Pour ressentir tout ça, je suis prêt à payer cher !”
Les courses à obstacles : des événements très lucratifs
Les organisateurs ont rapidement flairé le filon : Avec un tarif d’inscription minimum de 35 euros (jusqu’à 75 euros selon votre date d’inscription pour The Mud Day), ce type d’événement peut vite s’avérer très rentable. Les épreuves se multiplient, répondant à une demande toujours plus forte.
Preuve en est avec la Frappadingue, course “historique” du genre qui à l’origine se déroulait uniquement à Montreuil sur Mer (en 2010) et qui, désormais, propose pas moins de 7 éditions chaque année à travers la France. On estime d’ailleurs le chiffre d’affaire de The Mud Day à près de 1.5 million d’euros, pour une rentabilité plus importante que celle que peut rapporter l’organisation d’un marathon.
Une aubaine également pour les annonceurs, qui peuvent ici toucher un public plus jeune (moyenne d’âge entre 25 et 30 ans, contre 40 ans pour un marathon) et pas forcément branché course à pied (de 40 à 50% d’adeptes du running, contre 100% pour les courses traditionnelles*). Ainsi, des grandes marques comme Samsung, Deezer ou Nissan n’ont pas hésité à investir ce segment lucratif, pour des retombées que l’on imagine juteuses.
Ch’ti Délire 2014 : retour sur une course agitée
La meilleure façon pour nous de comprendre l’ampleur du phénomène de ces courses à obstacles était de participer à l’une d’entre elles : nous avons donc jeté notre dévolu sur la seconde édition de la Ch’Ti Délire qui se déroulait à Villeneuve d’Ascq les 4 et 5 octobre dernier. Au programme, 11 km de boue, d’obstacles et de froid, et 35 euros en moins dans le porte-monnaie.
Avant même le départ, le ton est donné : l’ambiance est festive, les participants sont déguisés (on compte pèle-mêle des garçons de café, des infirmiers, des militaires, des prisonniers, …) et l’échauffement collectif se fait dans la joie et la bonne humeur.
Le départ de notre vague numéro 17 réunissant 150 athlètes est donné à 12h10 précise du Stadium Nord Lille Métropole, là où a joué l’équipe de football du Losc pendant de nombreuses années. Après quelques centaines de mètres parcourues sans difficultés particulières, les choses sérieuses commencent : la première piscine de boue et l’enchevêtrement de pneus à traverser qui s’en suit ne sont que les premiers obstacles d’une longue série qui nous amènera à nager à diverses reprises dans l’eau froide et peu accueillante de la Deule (rivière locale), à ramper sous des grillages, à franchir des murs de plus de 3 mètres de haut ou encore à glisser joyeusement dans des kilos de boue.
Malgré tous ces désagréments, les participants gardent le sourire. Pire encore : ils en redemandent ! L’atmosphère est joviale, les rires sont francs et tout le monde semble prendre du plaisir. Il faut dire que le temps est plutôt clément pour un début octobre dans le nord, avec un thermomètre qui affiche 15°.
Malgré un temps d’attente parfois un peu long sur certains obstacles et des douches pas franchement accessibles (et froides, semble-t-il), les organisateurs de cette Ch’Ti Délire 2014 ont tout fait pour satisfaire les quelques 4500 participants de cette édition. La frite/saucisse offerte à l’arrivée fut, à ce titre, particulièrement appréciée par notre équipe …
On retient au final que ces courses à obstacles offrent un plaisir différent de celui procuré par les épreuves traditionnelles réalisées sur route. Le but ici n’est pas spécialement de faire un temps (3h05 pour notre équipe), mais plutôt de s’en donner à coeur joie et de retomber en enfance en pataugeant gaiement dans la boue accompagné de ses amis (rien de fantasmatique dans ces propos).
Du fun à l’état pur, donc, pour des courses à succès qui ne se positionnent pas comme des concurrentes directes des courses traditionnelles : public différent, objectifs différents, et au final plaisirs différents.
Guillaume Dupont
*Chiffres Challenges