Courir sans se perdre dans les méandres de la course à pied, sans tomber dans les travers qui mènent inévitablement sur un chemin qu’on ne souhaite à aucun runner. Courir oui, mais pas à n’importe quel prix !
Un jour tu enfiles tes baskets, tu souffres, tu t’entraînes, tu te décourages, puis tu persévères. Tu te documentes, tu t’inspires des autres, tu apprends de leur expérience et tu traces ton propre chemin.
Tu perds du poids, tu progresses, tu deviens régulier, tu te fixes des objectifs, tu te donnes les moyens de les atteindre. Tu gagnes en puissance, tu prends conscience de tes capacités, tu libères des endorphines, tu développes ta confiance en toi.
Tu en parles, on t’encourage et tu découvres la course à pied comme une communauté, un espace d’échange et de partage. Tu dépasses la souffrance, tu passes du défi à l’accomplissement, tu te sens exister, être quelqu’un !
Tu t’acceptes
Machinalement, un jour tu enfiles tes baskets. Tu as prévenu que tu ne rentreras pas très tôt, que tu ne coucheras pas les enfants. Tes amis ne t’appellent pas car ils savent que tu dois suivre le programme.
Tu t’épuises, mais tu as vu tant de spécialistes te conseiller d’avoir recours à ce matériel qui t’aidera à enjoindre ton corps de faire toujours davantage d’efforts. Tu dépenses beaucoup trop d’argent.
Tu deviens obsédé par les chiffres, tu te compares aux autres, tu les envies, tu assènes de tes certitudes et de ta science quiconque tenterait de te ramener à la raison. Tu stagnes, ton moral baisse, tu cours avec une hygiène de vie déplorable, tu te blesses. Courir était ta passion, elle t’a dévoré.
Tu as oublié le plaisir
Il faut beaucoup moins de temps que l’on ne l’imagine pour passer du premier stade au second. Et il est évident que l’épanouissement passe nécessairement par la capacité d’être lucide sur sa pratique. D’où l’importance d’être bien entouré et de savoir écouter.
Il y a un équilibre à respecter pour éviter que la course à pied n’occupe une place disproportionnée dans notre quotidien. Un équilibre à trouver pour pratiquer en bonne santé et continuer d’améliorer sa condition physique intelligemment.
Mais au fond, qu’est-ce qui changera vraiment dans ma vie une fois que j’aurai couru le marathon en moins de 3h, que je serai capable sans forcer de descendre sous les 40mn aux 10km, ou que j’enchaînerai les entraînements à plus de 12km/h pour avoir la fierté de voir moins de 5mn au km sur ma montre ?
Moi je veux courir sans avoir les yeux constamment rivés sur mon cardio, lever le pied si je puise trop dans mes réserves, courir longtemps même si c’est lentement, pouvoir discuter avec mes potes au milieu du peloton, m’arrêter pour faire des photos sans craindre pour ma moyenne.
Je veux rire quand je me casse la binette dans la boue, si possible qu’on me prenne en photo, accompagner mes proches qui découvrent qu’on peut se sentir bien, dégoulinant dans des vêtements parfois esthétiquement contestables, aux couleurs qui ne s’accordent pas toujours.
Je veux être trempé, sentir mauvais, avoir froid, me rendre compte que j’ai oublié ma couverture de survie, tomber en panne de batterie de téléphone, hurler mon ras le bol dans la montagne, crever de soif et sonner chez Michelle pour lui taxer un peu d’eau, me faire rattraper par la barrière horaire ou me tordre la cheville pour être dorloté par la secouriste sexy…
Je veux échouer mais rester en bonne santé physique et mentale. Je ne veux pas me lasser ou me décourager. Je veux être sûr de pouvoir encore courir demain.