C’est sous un soleil radieux, sur la place Jaude, au pied du mythique Puy de Dôme que je le retrouve pour un entretien d’1h30 autour d’un déjeuner informel.
Il arrive, décontracté, les yeux rivés sur son portable, peut-être un peu fatigué par le weekend choc qu’il vient de s’infliger autour de Millau. En ce moment, il avale environ 180 km par semaine pour plus de 8000 mètres de dénivelé positif.
Nous nous installons, et la discussion démarre d’emblée.
Première étape, le choix du menu, je suis curieux de savoir ce que peut bien manger un coureur de son niveau en pleine préparation pour l’Ultra du Mont Fuji qui aura lieu le 25 avril prochain. C’est aussi l’occasion de le questionner sur ses habitudes alimentaires. « Je fais attention, j’évite les excès mais sans tomber non plus dans l’extrême ». L’alimentation ne doit pas être un facteur de désocialisation. Bref, les repas sans gluten, très peu pour lui !
Au menu du jour, salade de poulet Thaï et coca zéro, Le cheeseburger frites me fait de l’œil mais finalement je me dis qu’un peu de verdure ne me fera pas de mal à moi non plus.
Grâce à une organisation millimétrée, Thomas Lorblanchet jongle entre ses obligations professionnelles, sportives et familiales. Père de 2 petites filles, il exerce la profession de kinésithérapeute – ostéopathe en cabinet libéral qui lui permet de se libérer du temps pour s’entrainer. Il court souvent seul mais adore partager ses parcours sur l’application Strava.
Le Trail, il connaît, il est tombé dedans en 2001. Il a donc vu la discipline évoluer et se développer. « A l ‘époque, il n’y avait pas plus de 10 courses par an, aujourd’hui c’est plutôt 10 par weekend et par région ». La multiplication des teams le laisse un peu dubitatif, car finalement, on retrouve très souvent les mêmes coureurs devant depuis des années.
Après de nombreuses saisons chez Salomon, il a intégré le team Asics l’année dernière. Une structure à taille humaine où il se sent bien et où il a rejoint son entraineur Eric Lacroix. Le team a fait une grosse fin de saison 2013 avec la victoire de Xavier Thévenard sur l’UTMB, un joli doublé sur les Templiers, et une 2ème place sur la Saintélyon … De quoi susciter quelques jalousies dans les pelotons. « L’équipe fait une grosse fin de saison, il faut en profiter, rien ne garantit que nous pourrons réitérer la même chose en 2014 ».
Pour cette nouvelle saison, Thomas Lorblanchet souhaite se consacrer à l’Ultra, avec 2 gros objectifs pour ce début d’année : L’Ultra du Mont Fuji en avril et la Western States aux Etats-Unis en juin. La planification de la fin de saison se fera ensuite en fonction des sensations.
La retraite ? Il n’y pense pas vraiment, enfin pas tout de suite. A 33 ans, il a prouvé qu’il était encore performant. Il se donne encore 4 ans, après il sera peut-être temps de raccrocher. « Les enfants grandissent et je ne souhaite pas leur imposer de suivre leur papa sur les courses le weekend ».
La famille joue un rôle important dans la carrière de Thomas, il est entouré et soutenu par ses proches sans pour autant être idolâtré. Ca permet certainement de relativiser et de ne pas prendre la grosse tête. « Ma femme ne vit pas à travers moi, elle n’est pas fan de moi. Je ne trouverais pas ça sain du tout ».
Que le temps passe vite, nous en sommes déjà au dessert et j’ai encore tant de questions qui se bousculent dans ma tête. La discussion se poursuit autour d’un Banoffee Pie.
Je le questionne sur son implication dans le lancement d’une station de Trail au Mont Dore. Il se sentait « avoir la légitimité nécessaire pour y associer son image ». Devenir ambassadeur d’un tel projet semblait évident pour lui tant il connaît les sentiers du massif comme sa poche. Le Massif du Sancy reste l’un des plus beaux terrains de jeux qu’il connaisse, offrant une variété de paysages magnifiques. Je ne peux qu’aller dans son sens, moi qui suis tombé amoureux de la région par une chaude journée d’été.
Autre sujet que nous évoquons ensemble, le dopage dans la pratique sportive. Sans pour autant voir le mal partout, il regrette le manque de contrôles inopinés et l’absence de suivi longitudinal dans la discipline. Cela mettrait un terme aux suspicions en tous genres de certains coureurs « aigris » qui ont parfois du mal à accepter de perdre à la régulière.
Comment parler de trail sans évoquer le phénomène Kilian Jornet. Thomas l’a fréquenté chez Salomon, il l’a vu débuter dans le trail en 2007. A 19 ans, fraichement débarqué dans la discipline il préparait déjà ce qui serait sa première victoire sur l’UTMB quelques mois plus tard. En 2012, il passera 1 mois avec Kilian aux Etats-Unis. Il parle de lui comme de quelqu’un de profondément gentil, intelligent et cultivé. « Il y aura un avant et un après Kilian ». Pour lui, Jornet est au carrefour de plusieurs disciplines, il est un lien, une passerelle, il bouscule les conventions.
Nous repartons finalement chacun de notre côté, promettant que la prochaine fois, c’est sur les sentiers du Massif du Sancy que nous partagerons un peu de temps ensemble.
Sébastien Réby