72km, 1800m D+, un départ à minuit, une température ressentie en dessous de 0°C, de la neige et des précipitations durant les jours précédents, la Saintélyon, 61ème édition, s’annonçait épique pour moi et mon expérience quasi nulle sur ce genre d’épreuve.
Une préparation honteuse
Quelques sorties la dernière semaine, dont un semi à 12km/h le jeudi, suivi d’un 14km tranquille le vendredi. En effet, mon inscription s’est faite une petite dizaine de jours avant le départ. Heureusement, je pouvais compter sur mon volume d’entraînement hebdomadaire qui me garantissait un minimum d’endurance. S’agissant du dénivelé, je me suis contenté d’une sortie au Mont Saint-Aubert en Belgique et environ 150m D+. J’ai également effectué deux de mes sorties de nuit, pour apprécier le froid, le manque de luminosité et tester ma lampe frontale.
Accusant un retard de sommeil indigne d’un sportif à cause d’un de mes enfants bien malade (3h dans la nuit de vendredi à samedi), j’ai fait 8h de trajet au volant à partir du samedi matin. Le temps de déposer un camarade à Lyon au Palais des Sports de Gerland et j’allais rejoindre le TeamUR chez Grégory, Top 200 en 2013, qui n’avait pas pris de dossard cette année. Une ambiance familiale et un accueil chaleureux, l’idéal pour tenter de nous détendre.
Sans doute plus angoissé que les autres, j’ai eu beaucoup de mal à préparer mes affaires et j’ai fait perdre du temps à l’équipe. Mais nous sommes enfin arrivés au Parc des Expositions de Saint-Étienne une heure avant le départ.
Pendant ma préparation, j’ai quasiment suivi à la lettre tous les conseils distillés par Globe Runners dans son article sobrement intitulé La Stratégie de l’échec, comment rater la Saintélyon … Bref, je suis prêt !
La Saintélyon, c’est maintenant !
Après avoir encouragé les copains, dont Pascal et Yoann, nous avons rejoint quelques connaissances pour un effet pingouin pas tellement désagréable sur la ligne de départ. Par chance, la météo s’annonçait clémente pour la nuit.
Mon ambition était d’être Finisher de cette grande classique. A côté de moi j’avais Sébastien, qui avait proposé de courir ensemble même si pour ma part j’espérais juste l’accompagner jusqu’à la première ascension menant à Saint-Christo en Jarez, soit pour environ 10km. J’ai déjà vu Sébastien sur des ascensions en montagne et je sais qu’il a un niveau bien meilleur que le mien. J’avais donc peur de livrer trop tôt toutes mes forces.
Quand le convoi lumineux s’est élancé, les jambes répondaient bien, elles n’attendaient que ça. Et quitter Saint-Étienne au plus vite était une perspective motivante vu l’intérêt limité du paysage urbain traversé. Malgré le public présent, nous voulions en découdre et la concentration dans le peloton se ressentait très fort. Au KM8, dans une montée progressive, les premiers chemins se sont enfin dressés face à nous. La course commençait. Au bout de 7km, le ravitaillement de Saint-Christo (KM15, 420m D+) vite passé pour ne pas perdre le rythme.
Les 12km suivants qui conduisaient vers le ravitaillement de Sainte-Catherine se couraient sur les crêtes à une altitude d’environ 800m. J’avais un peu froid mais je préférais attendre de sortir du ravitaillement suivant pour passer le coupe-vent. De son côté, Sébastien, qui était à deux doigts de se faire opérer du dos quelques jours avant et n’a donc pas pu courir avant la SaintéLyon, ressentait quelques douleurs aux cuisses et à l’estomac. Alors que nous espérions la présence de Grégory à Sainte-Catherine, après 3h de course, 27km et 730m D+, nous sommes repartis bien ravitaillés.
Le début de l’enfer vers Saint Genoux
La course n’était pas facile, je ne sais pas pourquoi je me suis mis à penser au KM30 et le mur du marathon. Mais c’est bien Sébastien qui semble l’avoir eu, peut-être aussi la faute à 2km d’ascension terribles (KM32 à KM34). Poliment, il m’a proposé de partir à plusieurs reprises mais j’espérais pour lui un regain d’énergie et je n’ambitionnais pas vraiment de chrono. Je l’ai attendu, parfois perdu puis retrouvé, et nous avons atteint Saint-Genoux à 3mn d’intervalle. Sébastien, lui, avait déjà bien dégusté notamment avec une chute et c’est ici qu’il m’a annoncé qu’il voulait arrêter.
Ne sachant pas s’il prenait des risques pour sa santé mais considérant qu’atteindre Soucieu-en-Jarrest nous mettrait du baume au cœur avec la possibilité de nous changer et de prendre un ravitaillement royal, je lui ai suggéré de continuer encore, quitte à ralentir. Qu’importe si nous perdions encore des places au classement, nous pouvions espérer un résultat plus que correct pour une première participation.
A Soucieu-en-Jarrest (KM50) nous avons mangé tout ce qu’il y avait sur les buffets, sucré, salé et nous avons changé de tenue dehors après avoir commis l’erreur de sortir de la salle où nous aurions pu être au chaud. Profitant du bitume, Sébastien a relancé pendant plusieurs kilomètres pour tenter de rester dans l’objectif moins de 10h, ce que j’espérais personnellement. Sébastien, qui n’espérait plus grand-chose, s’est battu, l’œil constamment fixé sur sa montre, avant de m’annoncer que nous n’arriverions jamais ensemble à temps. Après hésitation, estimant que je lui mettais peut-être la pression et qu’il avait envie de terminer plus sereinement à son rythme, je suis parti. A l’économie depuis près de 20km, j’avais les jambes pour accélérer. En restant quand même prudent, j’ai atteint Chaponost après 60km et 8h10 de course. 12km pour 1h50, cela me semblait faisable. Sébastien est arrivé 10mn plus tard.
Du courage dans la bataille
C’est alors que j’ai aperçu Grégory, en tenue, qui accompagnait un ami relayeur. Ils m’ont gentiment proposé de les suivre, ce que j’ai fait pendant plusieurs kilomètres. Plus lent qu’eux, ils m’ont attendu régulièrement à chaque montée, tandis que je continuais à doubler des coureurs du 72km solo par dizaines (environ 400 dans les 15 derniers kilomètres).
Néanmoins, j’allais prendre une énorme claque en voyant se dresser devant moi la dernière difficulté du parcours : la montée des aqueducs à Sainte-Foy-les-Lyon. Une énorme pente qui paraissait infranchissable et à l’issue de laquelle se cachaient d’autres petites montées ravageuses pour ce qui restait de mes jambes. J’en ai profité pour manger et rire avec les autres coureurs, dont certains prenaient des photos, tous aussi médusés que moi.
A 5km de l’arrivée, il ne restait plus qu’à descendre une grande série de marches, rejoindre la Saône et le magnifique Pont Raymond Barre avant d’entrer dans le Parc Gerland là où Gregory m’a abandonné pour que je termine mon aventure.
Enfin, j’ai terminé ce périple de 9h36 par un passage sous la splendide arche lumineuse, dans un Palais des Sports rempli, heureux d’avoir accompli la SaintéLyon et un peu déçu de ne pas avoir fini avec Sébastien, qui terminera courageusement et non sans émotion après 10h54.
Un merveilleux événement que je suis heureux d’avoir vécu avec le Team UR.
Daddy The Beat
Team UR