A l’heure où l’on s’apprête à fêter l’anniversaire de sa venue sur terre, cette question me taraude et m’obsède. Voilà un certain temps que j’ai envie de m’exprimer sur le sujet, je crois qu’il faut que je vide mon sac.
Il y a trois ans pendant le marathon du Médoc, alors que je pulvérisais mon record personnel, j’aperçus au 30ème kilomètre l’image furtive d’un homme qui m’était familier. Il était barbu, affublé d’un linge et portait une croix.
Je crus être victime d’une hallucination sûrement due à mon rythme effréné. Moi qui habituellement flirtais avec les 11km/heure, j’affichais allègrement un 15,6 km/heure qui me portait à croire qu’un premier miracle était en train de se dérouler.
Je donnai furtivement un coup d’oeil à mes camarades runners qui de leur côté ne semblaient absolument pas préoccupés par cette vision. Bon dieu (si je puis dire), mais que m’arrivait-il ? Etait-ce bien Jésus que je venais d’apercevoir là sur une route d’aquitaine ? Je commençais à me demander si le premier ravitaillement des 5 km ne m’avait pas joué des tours. En effet un bénévole portant la soutane m’avait offert un gobelet accompagné de cette phrase étrange : « le sang du Christ ».
C’est après avoir avalé quatre verres de cette potion magique que je repartis, sentant mes forces décupler et des ailes pousser à mes pieds. Je reprenais plus de la moitié des coureurs et j’affichais une forme olympique. J’étais un sur-homme.
Et puis Jésus m’a dépassé au 30ème kilomètre et je rencontrai le mur des lamentations. Il me fallut 2h de plus pour finir la course.
Je rentrai chez moi, déçu, avec la gueule de bois des lendemains de fête.
J’avais cru passer sous les 3h et finalement je terminai en 5h02. J’avais le blues et une image me revenait sans cesse en tête. Celle de Jésus me laissant sur-place, dans l’indifférence générale. De peur d’être traité de fou je me tus et gardai pour moi ce souvenir honteux.
Quelques mois plus tard
J’avais repris l’entraînement et du poil de la bête… J’avais tout oublié. Je m’étais donné un nouveau challenge et pas des moindres. J’allais courir le marathon de N.Y, si possible en 3h45. Et oui j’avais été tiré au sort pour participer à cette course mythique. Dieu avait voulu racheter le comportement de son fils. C’est sûr.
Cette fois-ci il ne me fallut pas longtemps pour sentir sa présence. A peine 500 mètres, et j’entendis déjà des Go Jesus, Go ! Non c’est pas possible !
Je restai cloué au sol. Jésus me narguait et en plus il était adepte du barefoot. C’était trop pour moi. Je rendis illico mon dossard (après 3 minutes 45 secondes de course) et m’enfuis dans la montagne.
Finalement j’avais compris. Jésus m’envoyait un message. En gros il me disait de laisser tomber le bitume pour me tourner vers le trail. Mais oui bien sûr je devais courir en nature, c’était ma vraie nature.
Le trail, le messie et moi
Les Rocheuses étaient devenues mon nouveau terrain de jeu, entre Squaw Valley et Auburn, en Californie. J’étais enfin heureux, je communiais avec les marmottes, les fleurs et les ours. Mais encore une fois je l’aperçus. Il arborait un mini-short, il avait laissé tombé sa croix et le barefoot. J.C m’adressa un :
– « Hi my name is Anton Krupicka »
– « Ouais, c’est ça ! » que je lui répondais « et moi je suis le pape ! »
J’étais complètement chamboulé. Jésus était partout. Normal me direz-vous, le running est notre religion. Il n’y a qu’à voir le dimanche la communion des coureurs le long des routes et des chemins. Oui mais quand même, il pourrait pas me lâcher un peu le J. C. ?
Alors aujourd’hui cela me fait du bien de vous raconter tout ça. Je me sens soulagé. Je n’ai plus peur de regarder les résultats d’un marathon de Madrid ou Barcelone. Jesus Martinez ou Jesus Rodriguez peuvent bien finir en moins de 3h ça m’est égal.
Je crois que je vais apprendre à courir avec lui. Je sais que je peux le croiser à tout moment, au détour d’un chemin ou d’un marathon du Beaujolais.
Alléluia mes frères. Je suis libre.
Il peut toujours courir le divin enfant.
Armand
Court Toujours