Malgré un planning extrêmement chargé, il a très rapidement accepté ma proposition. L’idée de départ étant de le découvrir dans son quotidien, j’avoue avoir eu quelques angoisses sur le fait de pouvoir le suivre dans la montagne. Heureusement pour moi, Sébastien est en pleine période de récupération suite à la TransGranCanaria! Le programme sportif sera donc plutôt léger, ouf !
Il est 10 heures du matin quand je me présente devant le chalet familial. Le coin est idéal pour celui qui aime courir sur les sentiers. La maison fait face aux montagnes qui dominent la vallée, mille mètres plus haut. Séb est là, dehors, vêtu de son fameux sweat North-Face bleu à capuche. Avec humour, il pointe les sommets enneigés qu’il appelle « mon bureau » me disant qu’il aurait pu me donner rendez-vous là-haut.
L’accueil est à l’image du personnage, chaleureux ! Il m‘invite à entrer et c’est autour d’un café que nous faisons connaissance. Il est curieux, il me questionne sur le sens de ma venue, puis nous échangeons sur son rapport aux médias. Il reçoit de nombreuses sollicitations, il n’est pas toujours évident d’y répondre favorablement. Heureusement, il est très bien entouré et peut compter sur l’aide de sa famille. Isabel, sa compagne, se joint à nous, elle semble intéressée par ma démarche et par la philosophie de notre portail Globe Runners.
Depuis qu’il a débuté dans le trail, Sébastien Chaigneau a vu la discipline se métamorphoser. Plus de kilomètres, plus de dénivelé, les épreuves s’allongent. Il met en garde les coureurs parfois inexpérimentés qui se lancent dans l’Ultra Trail. Ce n’est pas sans conséquences, les médias ne montrent que les bons côtés, les vainqueurs sont portés en héros, sortes de guerriers des temps modernes, mais qu’en est-il des autres, ceux qui souffrent, qui abandonnent, qui se blessent ? Silence radio ! Loin d’être anodine, la pratique d’une telle discipline nécessite de longues années d’expérience. « Ne banalisons pas ce qui est exceptionnel ».
La course à pied, sport populaire par excellence est en pleine élitisation. Le budget dossard explose, fermant la porte à de nombreux coureurs. Sébastien regrette ces dérives qui ne donnent pas une très bonne image de son sport.
Accompagnés de Roland Claverie, son training partner, nous nous préparons pour ce que Sébastien appelle un « footing de récupération ». Une boucle de 14 kilomètres autour de chez lui plutôt roulante (pour lui) qui va me permettre de découvrir un peu la région. Mon hôte du jour est véritablement un amoureux de la nature, il observe son environnement, guette le traces d’animaux dans la neige sur ces sentiers qu’il connaît par cœur.
Sébastien est dans son élément, on le sent heureux et pleinement épanoui dans cette vie qu’il s’est choisie. Dès le plus jeune âge, il goûte aux plaisirs de la montagne. Accompagnant ses parents, été comme hiver, il y venait pour dévaler les pistes. Bien plus tard, c’est à l’armée, dans la section de renseignement du bataillon de chasseurs alpins qu’il découvrira l’ivresse des sommets, de l’escalade et du dénivelé. Passions qui ne le quitteront plus.
Le trail, il y viendra presque par hasard, en se mettant à courir pour atteindre les parois qu’il escalade autour de chez lui. Celui qui dans son enfance pratiquait l’athlétisme à bon niveau, redécouvre le plaisir de courir, mais cette fois, en pleine nature. Sébastien connaît la valeur des choses, il ne brûle pas les étapes et prend le temps de découvrir cette nouvelle discipline, il apprend et fait ses gammes. Son entrée dans l’ultra ne viendra que bien plus tard.
Retour au chalet après un peu plus d’une heure de course. Sur la terrasse, après quelques verres d’eau pétillante, Sébastien me raconte un peu comment il vit ici. Loin des supermarchés, il met un point d’honneur à faire vivre l’économie locale en s’approvisionnant au maximum dans les fermes environnantes. Pour tout le reste, il y a le magasin bio. Supprimer les intermédiaires et limiter les déchets sont aujourd’hui des valeurs qu’il fait siennes et qui pour lui sont tout à fait en adéquation avec sa pratique sportive.
Sébastien Chaigneau est un passionné. Il a le regard pétillant de ceux qui font de leurs rêves une vie. Derrière ses airs d’hyperactif il semble être apaisé, avoir trouvé son équilibre, ici, aux côtés de sa femme et de ses enfants. J’ai en face de moi, un homme heureux et bien dans ses baskets. Il a su saisir les opportunités qui s’offraient à lui. Il est le seul traileur français à vivre de son sport. En 2009, il a décidé de se consacrer pleinement à sa carrière en cessant son activité professionnelle.
La journée se poursuit avec la visite de son bureau situé dans les locaux de Mouss Production, société audiovisuelle spécialisée dans le sport outdoor, dirigée depuis plus de 10 ans par sa compagne. Sébastien y conserve quelques trophées, les plus emblématiques. Ensemble nous revenons sur les faits marquants qui ont jalonné sa carrière. Libyan Challenge, Diagonale des fous, Hardrock 100, TransGranCanaria et bien sur UTMB, autant de souvenirs qu’il évoque avec émotion.
Perfectionniste Sébastien Chaigneau ? Un euphémisme ! En compétiteur, il analyse, décortique, traque le moindre grain de sable qui pourrait enrayer la mécanique bien huilée qui mène au succès. Il sait également rebondir après un faux pas. « On apprend plus de ses échecs que de ses succès. » L’Ultra Trail, c’est un peu de l’horlogerie Suisse, rien ne doit être laissé au hasard. Malgré l’expérience, il continue de vouloir optimiser sa préparation, et il cherche toujours ce qu’il pourrait améliorer.
Dans cette optique, il apporte une aide précieuse à ses partenaires équipementiers afin de développer des produits toujours plus performants. Chaussures, lunettes, compression, tout est passé au crible. Sébastien est un véritable touche à tout.
Pour 2014, Sébastien a des objectifs sportifs, Ultra Trail du Mont Fuji, Hardrock 100, Diagonale des Fous, mais aussi des projets plus personnels qui lui tiennent à cœur, comme son implication auprès de l’association Aequalia qui lutte pour un accès à l’eau potable pour tous. Le trail, la nature, l’eau, la vie, le lien était fait. Il n’a pas mis longtemps à se lancer dans l’aventure.
Il est déjà l’heure de se quitter. En papa attentionné, Sébastien doit s’occuper de ses enfants. A 42 ans, il est motivé et affûté comme jamais. Le temps ne semble pas avoir d’emprise sur lui, c’est surement ça que l’on nomme l’accomplissement personnel.
Sébastien Réby