Les écarts de performances entre hommes et femmes au plus haut niveau semblent bien moins élevés en ultra-trail que dans d’autres disciplines. Comment expliquer ce phénomène ? Essayons d’y voir plus clair.
En ultra-trail, Caroline Chaverot ou Nuria Picas finissent régulièrement dans le top 10 au scratch, tout comme Emelie Forsberg qui monte même sur la seconde marche du podium de la GlenCoe Skyline.
On se souvient aussi de la victoire de Courtney Dauwalter sur les 24h de Desert solstice en décembre dernier avec plus de 237 km au compteur, soit plus de 4km d’avance sur le premier homme (25 concurrents au départ dont 12 femmes). En 2002 et 2003 Pam Reed remportait même 2 fois de suite la Badwater135.
Au regard de ces résultats exceptionnels, on peut légitimement se poser la question de savoir si les femmes ne finiront pas un jour par battre les meilleurs athlètes masculins sur les longues distances !
Mais que dit la science dans tout ça ?
Jetons un oeil à l’étude de John Temesi intitulée Are Females More Resistant to Extreme Neurosmuscular Fatigue ? Pour faire simple, la fatigue neuro musculaire correspond à la diminution de la capacité maximale des muscles durant un exercice.
La possibilité que les femmes soient meilleures que les hommes dans les sports d’endurance extrême est débattue déjà depuis de longues années. D’ailleurs plusieurs études(1) ont déjà conclu que les hommes étaient majoritairement plus rapides sur des épreuves « courtes » alors que les femmes disposaient d’un avantage sur les longues distances, grâce notamment à une meilleure résistance à la fatigue, même si cela n’avait pas encore été démontré sur un ultra trail !
L’étude lancée par John Temesi et toute sa bande sur l’UTMB 2012 (version raccourcie à 110km) s’intéressait principalement à la flexion du genou et la flexion plantaire, éléments au combien importants en course à pied !
20 coureurs expérimentés, 10 hommes et 10 femmes, entre 31 et 51 ans se sont prêtés à l’étude en réalisant tour à tour 3 séances spécifiques : la première, dite de familiarisation, consistait à un test de VMA quelques semaines avant l’UTMB, la seconde 3 jours avant l’épreuve, et la dernière environ 1h après la course.
Durant la première séance, une évaluation neuro musculaire a ainsi été réalisée : contraction de l’extenseur du genou et flexion plantaire. Dans les 2 cas, on mesure le couple maximal ainsi que le couple sous différents stimulus électriques.
Les résultats de l’étude
Les principales conclusions de cette étude sont :
- une fatigue périphérique de la flexion plantaire plus importante chez l’homme que chez la femme, avec une diminution plus importante du couple sous contraction volontaire. Cette différence n’a pas pu être constatée sur l’extenseur du genou ou n’était pas significative.
- une fatigue centrale de l’extenseur du genou similaire entre les 2 groupes
Pourquoi cette différence ? Les précédentes études avaient montré une plus grande raideur des tendons d’Achille chez les hommes, qui associée à une longueur plus grande de ces mêmes tendons pourraient être la cause de cette fatigue périphérique plus importante.
Les conclusions de cette étude nous laissent cependant un peu sur notre faim. Comme les auteurs le soulignent, la population féminine étudiée bien que représentant plus de 5% des finisheuses de la course, reste insuffisante pour tirer tous les enseignements concernant les différences observées entre les 2 groupes.
Bref, il reste du boulot pour tout comprendre et tirer des conclusions définitives sur le sujet. En attendant messieurs, il semble tout de même qu’on en sache un peu plus sur votre talon d’Achille !
(1) Bam J, Noakes TD, Juritz J, Dennis SC. Could women outrun men in ultramarathon races? Med Sci Sports Exerc. 1997;29(2):244-7.