2015, c’est l’année du trail en montagne ! Je me suis donc programmée des courses en conséquence, tout en sachant pertinemment que j’allais souffrir tôt ou tard. Mais comme l’écrit si bien Murakami : Pain is inevitable, Suffering is optional.
Ce qui me motive le plus dans mes choix de courses, c’est le paysage, je n’hésite donc pas à faire des km pour en prendre plein les yeux. C’est comme ça que je me suis retrouvée avec un dossard pour le trail Nivolet Revard.
La semaine avant Nivolet il a plu des cordes ! je regardais la météo 20 fois par jour comme si le fait de checker la météo aussi souvent allait faire venir le soleil le jour J. J’ai développé le syndrome du clic frénétique météo d’avant course.
Louis-Benoit (LB pour les intimes) qui m’accompagne dans cette aventure vit en région parisienne mais est originaire du coin. C’est notre premier trail ensemble et mon premier avec 2700m D+. Après de nombreuses heures de route, nous touchons enfin au but. Heureusement nous aurons toute la journée du vendredi pour nous reposer et récupérer de ce long trajet.
La veille d’une compétition, j’aime bien bouquiner et rêver à la course que je prépare, imaginer l’euphorie du départ et franchir la ligne d’arrivée. Nous avons beaucoup échangé avec LB, je sais qu’il sera avec moi tout le temps. Meneur d’allure sur les 100 km de Millau, il a l’habitude d’accompagner les coureurs.
Le miracle du réveil : plus de pluie !
On a pu prendre le départ au sec et ça pour le moral c’est précieux. C’est parti pour 51 km, on se met au fond comme ça on ne gène personne.
Le trail en montagne est une expérience unique qui puise dans les cuisses, dans les mollets et dans la tête ! Et lorsque la boue est de la partie, ça se complique encore davantage.
J’ai découvert qu’on pouvait faire une overdose de boue, j’ai géré sur les 15 premiers kilomètres mais j’avoue que ça m’a bien entamée physiquement. Je m’accrochais au ciel bleu et bénissais Evelyne Dhéliat pour cette fenêtre lumineuse.
Première chute dans une descente, où tu te rends compte assez rapidement que de rester le poids en arrière sur les talons est fatal quand le sol est méga gras. Le truc sympa, c’est que tu peux compter sur ton acolyte d’aventure pour te donner de jolis conseils : « Attaque avec l’avant du pied, épaules en avant, fais de petits pas ».
Ok je m’applique et me concentre
Cependant, je paie sur la deuxième partie mon inexpérience sur ce genre de terrain ; progressivement, je sens que mes jambes ont mal ; je sais qu’il faut apprendre à courir sur la douleur, je l’ai déjà fait, je sais que j’en suis capable. Je lutte, je me focalise sur la voix de LB, sur les échanges que nous avons avec d’autres coureurs et je profite des paysages.
Les ravitos me permettent de me reposer comme il faut, et de bien m’hydrater : ah le goût du coca dans ces moments là, quel doux breuvage, sans parler de la gentillesse des bénévoles !
Je suis assez bien jusqu’au 40ème km. Les 11 derniers furent plus difficiles, pour la première fois depuis que j’ai commencé la course à pied, j’ai du contrôler mes larmes et ne pas perdre d’énergie à les laisser couler. Je me suis dit : « Si tu pleures maintenant, tu ne pourras pas repartir. Garde l’énergie pour finir, tu verras après. »
Le souci c’est que lorsque tu perds en lucidité, tu reviens à tes vieilles habitudes en descente qui te conduisent irrémédiablement sur les fesses, dans la boue !
L’arrivée est proche, il fait de plus en plus chaud. La magie opère : les personnes qui applaudissent, le sourire de LB et mes pas qui s’allègent pour franchir cette ligne tant convoitée.
J’ai besoin d’aide pour retirer mon dossard, j’ai le sentiment d’avoir sacrifié mon corps entier pour terminer cette course et maintenant que c’est fait, retirer mon dossard me semble impossible, c’est le geste de trop.
LB me prend dans ses bras, et je pleure enfin … De joie, de soulagement, de béatitude, de douleur, de reconnaissance … A la vie !
Aline