C’est aux confins de l’Atlas marocain que nous avons eu le plaisir de rencontrer Rachid El Morabity pour un entretien exclusif dans lequel il se livre avec sincérité. Le traileur aux multiples victoires sur le Marathon des Sables ambitionne maintenant de passer un cap, et de conquérir les montagnes au-delà des frontières du Maroc.
Aller à la rencontre des athlètes, chez eux, prendre le temps de s’immerger dans leur cadre de vie, pour mieux les connaître et découvrir ce qui les anime. Le projet est ambitieux et nécessite de prendre son temps, une denrée rare dans un monde ou tout va souvent trop vite.
C’est donc dans ce contexte que nous avons eu la chance de rencontrer Rachid El Morabity, avec qui nous avions rendez-vous à Oukaimden, pour 3 jours sur les sentiers de l’Ultra Trail Atlas Toubkal (UTAT).
Parcourir l’Atlas, c’est toucher à l’authentique, revenir à des valeurs essentielles. Ici, chaque jour passé à contempler les sommets a le pouvoir de vous redonner foi en l’humanité toute entière, un sentiment difficilement explicable mais pourtant bien réel. Malgré la chaleur accablante de ce mois de juillet, l’accueil des populations locales contribue également au bonheur de fouler de nouveau les sentiers caillouteux du Maroc.
Le décor est planté, majestueux, difficile et sauvage, l’Atlas, terre de contrastes, est décidément un endroit unique au monde. Ici la montagne n’est pas un produit qui se consomme, elle se vit intensément, et c’est certainement cela qui fait toute la différence.
A l’image de cet environnement, Rachid El Morabity est un coureur simple et humble, des qualités rares qui incitent à la bienveillance. C’est un véritable vent de fraicheur venu du désert qui souffle sur la planète trail.
Un coureur devenu traileur presque par hasard
La course à pied, il est tombé dedans quand il avait 14 ans ; c’est à l’école qu’il effectue ses premiers tours de piste. Il s’essaye alors avec succès au 1 500 mètres avant d’allonger les distances, préférant finalement développer son talent sur le bitume.
Excellent coureur sur route, il enchaine les courses sur 10km, semi et marathon avant de découvrir par hasard le trail en 2011. Invité de dernière minute sur le Marathon des Sables, c’est à la surprise générale qu’il s’impose finalement au terme de l’épreuve.
La même année, il prend le départ de l’UTAT 105 km, aux côtés d’un certain Dawa Sherpa … « Je n’avais jamais couru en montagne avant, encore moins sur 105km ». Au bout d’une folle épopée, il remporte la course devant l’une des légendes du trail running. « Battre Dawa Sherpa fut un véritable révélateur, ça m’a encouragé à continuer dans le trail ».
Depuis il enchaine les premières places sur le Marathon des Sables (MDS), déjà 4 victoires à son actif et il ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Car même si Rachid a décidé de s’attaquer à la montagne, il ambitionne tout de même de battre le record de victoires sur le MDS détenu par son compatriote Lahcen Ahansal(10 victoires).
Le secret de sa réussite, il l’explique en quelques mots d’une simplicité remarquable : « Je suis simplement l’enfant de ce terrain ». Habitué à la chaleur, Rachid donne l’impression de voler sur le sable, là où d’autres s’enfoncent inexorablement. Ajoutez à cela un entrainement rigoureux et vous obtenez un sérieux prétendant à la victoire.
Les championnats du monde pour objectif
La montagne et le désert sont pour lui indissociables « ne me demandez pas de choisir, ce sont deux activités complémentaires ». Mais Rachid a du apprendre à s’entrainer différemment pour atteindre ses nouveaux objectifs. « J’espère très prochainement pouvoir représenter mon pays aux championnats du monde de trail et pourquoi pas inscrire mon nom au palmarès d’une grande épreuve ». Découvrir de nouveaux paysages, rencontrer les champions de la discipline, et essayer de jouer une carte face aux européens, Rachid El Morabity affiche ses ambitions pour l’avenir. « Actuellement je prépare l’OCC et je serai une nouvelle fois au départ de l’UTAT cette année ».
Le pratique régulière du trail a changé sa vie, et Rachid se retrouve dans les valeurs de cette discipline. « J’aime cette manière de vivre en harmonie avec la montagne ». C’est un autre état d’esprit très enrichissant dont il se nourrit au quotidien à travers les rencontres qu’il peut faire.
Aujourd’hui Rachid vit pour le trail, même si celui-ci peine à la faire vivre. Sortir du Maroc pour courir en Europe à un coût non négligeable pour lui, et on ne peut pas dire que les sponsors se bousculent pour l’accompagner dans sa progression. Depuis 2011, Rachid est suivi et accompagné par Cyrille Sismondini, (organisateur de l’UTAT) « il fait beaucoup pour moi mais aussi pour le trail au Maroc », mais malgré le palmarès de Rachid, les deux compères ont encore des difficultés à financer les saisons de celui-ci.
En attendant le coureur marocain continue sa progression et rêve un jour de pouvoir participer à l’UTMB. « J’ai simplement envie de faire le tour du Mont Blanc en courant, même si je sais que c’est une course très difficile ». Rachid a donc dans l’idée de s’essayer à des distances plus longues … Affaire à suivre !