Il y a encore quelques années, le marathon apparaissait pour beaucoup comme l’épreuve ultime, inaccessible, l’aboutissement d’une vie de course à pied. Pour être marathonien, il fallait être un peu fou, cela suscitait de l’admiration, et ce quelque soit le chrono réalisé sur la distance.
Les collègues, la famille, vous prenez pour un extra-terrestre, même si pour la plupart, ils n’avaient aucune idée de la débauche d’énergie nécessaire pour parvenir au bout de ces 42.195 km, ni des efforts consentis pendant des mois pour vous y préparer.
Depuis, la course à pied est devenue tendance. Exit le jogging et la course à pied, le running est né, popularisant encore davantage une pratique déjà bien établie.
Formidable ! Après tout, le sport, c’est la santé. Que les gens se mettent à courir ne peut qu’être bénéfique pour eux. Oui mais voilà, il faudrait tout de même faire attention à ne pas banaliser ce qui devrait rester exceptionnel.
Le « Toujours plus loin, plus fort, plus vite, jusqu’au bout de l’extrême limite … » à la manière d’un feuilleton pour adolescent pré pubère diffusé dans les années 90 sur la chaine du temps de cerveau humain disponible a ses limites.
A force de vouloir relever des défis toujours plus fous, la course à pied pourrait s’avérer toxique pour celui qui ne sait pas dire stop. Le trail running en est un exemple flagrant. Les courses proposent des dénivelés toujours plus vertigineux, et les distances ne cessent d’augmenter. Jusqu’où cela va-t-il aller ?
La limite entre popularisation et banalisation est mince … et la discipline flirte en permanence avec cette ligne rouge. On peut dire ce que l’on veut de la polémique autour des points UTMB, ils ont au moins une vertu, celle de la progressivité. Pas question de se lancer à l’assaut du Mont-Blanc sans avoir un réel bagage derrière soi.
Aujourd’hui, courir un trail de 50 bornes est presque devenu une chose normale pour le commun des mortels, et pourtant … Sur la route, c’est la même chose. Le marathon ne fait plus peur, au risque de ne plus faire rêver. Finisher, ce mot revient souvent, mais quelle signification a-t-il pour les coureurs ? Franchir la ligne d’arrivée est une chose, mais la manière d’y parvenir en est une autre qui semble si insignifiante pour certains.
Le plaisir, moteur essentiel de la pratique sportive ne devrait pas être relégué au second plan. Une course commence bien avant le coup de pistolet du starter. C’est un long processus, des heures d’entrainement, de préparation, d’attente, qui se concrétisent enfin le jour de l’épreuve. La pleine mesure de la performance réalisée est à ce prix.
Ne pas se voir trop beau, trop fort, ne pas avoir l’ambition d’épater qui que ce soit, courir pour soi, par plaisir, se défier soi même avant de défier les autres, ne pas avoir peur de dire « c’est trop pour moi », apprendre le gout de l’effort, la persévérance et la progressivité … La course à pied est un sport plein d’humilité où le moindre écart de conduite se paie toujours un jour ou l’autre.
La popularisation de ce sport magnifique est une très bonne chose. La course à pied est une discipline accessible qui doit le demeurer. Quel plaisir de voir l’engouement autour de certains événements, la ferveur populaire qui s’en dégage. Il apparaît cependant nécessaire de lutter contre la banalisation de cette mode du running, qui repousse sans cesse les limites. Certaines épreuves nécessitent une grande expérience et une bonne préparation, elles ne doivent pas être prises à la légère. Préservons nos rêves intacts, le chemin pour les atteindre n’en sera que plus beau.
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