Après 433 jours il vient de boucler un tour du monde en courant, parcourant ainsi plus de 26 000 km. Nous étions à Paris pour l’accueillir à son arrivée. Rencontre avec Serge Girard (63 ans), celui qu’on surnomme affectueusement, le Forrest Gump français.
Après 26 240 km à courir à travers le monde, Serge Girard est de retour chez lui. Un périple de 433 jours qui s’achève aujourd’hui à Paris. pic.twitter.com/NaZVeOmMMT
— Globe-Runners.fr (@GlobeRunners_fr) 8 avril 2017
Bonjour Serge Girard, comment revient-on à une vie « normale » après un tel périple ? D’ailleurs est-ce possible ?
Je pensais que cela allait être plus compliqué que ça, mais finalement de par les sollicitations médiatiques, je ne suis pas encore trop sorti de l’événement, et ça va continuer pendant encore plusieurs mois puisque je vais entamer un cycle de conférences dès que le film sera terminé. En parallèle, je travaille également sur un livre. Ce n’est donc pas une rupture trop brusque.
« Aux Etats-Unis par exemple, j’étais le gars qui fait son jogging »
Durant votre aventure autour du monde, quel a été le regard des gens sur votre passage ?
Dans les différents pays traversés nous n’avons jamais cherché à médiatiser notre passage. Du coup, les gens imaginaient souvent que je faisais simplement un petit footing. Finalement, assez peu de personnes sont venus courir avec moi, c’était vraiment très ponctuel. Aux Etats-Unis par exemple, j’étais le gars qui fait son jogging.
Quels sont les moments qui vous ont le plus marqué pendant ce tour du monde ?
La grosse partie américaine de ce tour du monde, de Miami à Anchorage, soit 11800 km. Ca m’a marqué notamment car nous avons dû faire face à de grandes variations de températures, de la tempête de neige dans le Wyoming avec -18°, en passant par les plus de 50° rencontrés sur le parcours de la Badwater. Les paysages sont fabuleux, l’Oregon, le grand nord canadien, l’Alaska… Sans oublier Hawaii, la Nouvelle-Zélande et les Iles Fidji où les gens sont vraiment d’une gentillesse incroyable. Je pourrais presque citer tous les pays traversés finalement !
Comment le corps se comporte-t-il durant un tel périple ? Parcourir 70 km par jour est loin d’être anodin.
Il y a plusieurs phases bien distinctes. Le départ d’abord, car il faut environ 15 jours pour faire comprendre au corps qu’il va devoir faire 10 heures d’effort par jour. Le début est donc un peu difficile, il faut se caler, trouver son rythme. Il faut aussi d’adapter aux changements d’environnement et s‘habituer à cette vie de nomade. Vient ensuite la 2ème phase, qui dure environ 6 mois. Là, on pourrait presque dire que c’est facile, tout est bien huilé, tout fonctionne bien.
Puis tout bascule après 200 jours de course, un gros coup de mou, une fatigue générale sans pathologie particulière qui s’installe, et qui dure de 1 à 2 mois. Une baisse de régime que j’avais déjà connue sur Paris-Tokyo et sur le tour de l’Europe. Puis tout revient dans l’ordre pour les 3 ou 4 derniers mois de course.
Comment garder la motivation intacte pour courir durant 433 jours ?
La passion, le voyage, l’envie de progresser font que tout ça est passé tellement vite dans mon esprit. La monotonie n’existe pas, l’environnement change continuellement même si chaque jour je répète les mêmes gestes. Très honnêtement, il n’y a pas eu une période où c’était long, hormis durant les transferts en avion qui pour moi étaient un vrai supplice, car je n’aime pas couper la course, même durant 2 ou 3 jours.
« C’était devenu une sorte de course perpétuelle, où la ligne d’arrivée n’était qu’un prétexte à l’horizon »
A quoi pense-t-on durant ces longues heures de course ?
J’ai très souvent eu la sensation de regarder mon corps courir tout en étant à côté, comme un passager. Je me laissais porter par le voyage, j’avais le temps de regarder autour de moi et de plonger dans mes pensées. Ce n’est pas forcement très cérébral, ça va de la contemplation, aux réflexions sur les décors traversés.
Et comme tout le monde, de temps en temps il y a des pensées qui vont vers les proches que je n’ai pas vu depuis tant de mois. En revanche, j’ai rarement pensé à la fin. C’était devenu une sorte de course perpétuelle, où la ligne d’arrivée n’était qu’un prétexte à l’horizon qu’on n’atteindrait jamais.
Quel est le moteur qui vous pousse à réaliser ce genre de défi ?
Je suis parti au début pour les records, à une époque il n’y avait que ça qui comptait, et très vite je me suis aperçu que c’était très anecdotique. Je crois finalement que je cours simplement pour être heureux. Les humains ont toujours besoin d’un prétexte pour aller faire des choses un peu compliquées, mais ce qui m’intéresse le plus là dedans, c’est cette vie de nomade, ne jamais être au même endroit le lendemain.
C’est excitant, on à l’impression de pouvoir remonter le temps. C’est aussi une manière pour moi de ne pas trouver de défaut au monde, je le regarde de manière superficielle, mais ça me rend heureux. Dans l’effort on arrive à faire sauter les verrous de l’émotion, on vit les choses différemment, les paysages sont plus beaux.
C’est aussi une aventure collective qui nécessite une bonne logistique, comment s’est passée l’organisation de ce voyage aux 4 coins du monde ? Avec quel budget ?
Tout c’est très bien passé, on avait décidé de faire au plus simple avec des équipes très réduites. Parfois je n’étais accompagné que par Laure, ma femme. Le budget quant à lui avoisine les 300 000 euros pour 14 mois d’aventure. J’ai la chance d’avoir des sponsors qui me suivent, ça aide. Même si je suis loin d’être le meilleur coureur du monde, fort d’une expérience de plus de 20 ans dans ce type de projet, je peux encore compter sur mes partenaires. Pour fédérer, on essaye aussi d’amener du rêve en plus de la course à pied.
Qu’en est-il de la couverture médiatique durant l’épreuve ?
J’ai découvert les réseaux sociaux à l’occasion de ce voyage. J’ai pris beaucoup de plaisir à partager chaque jour mes petites vidéos, on a reçu d’excellents retours. J’avais envie de parler des pays traversés, de raconter des histoires, des anecdotes. Car au-delà de la course à pied, les gens sont vraiment intéressés par le voyage. Les réseaux sociaux sont devenus incontournables pour communiquer tous les jours.
« Je suis plutôt une sorte de Forrest Gump des temps modernes »
Êtes-vous prêt à repartir sur un autre projet d’envergure ?
Il y en a un qu’on me souffle à l’oreille depuis de nombreuses années, c’est l’Antarctique ! A ce jour j’ai effectué 12 traversées de continents, mais il me manque celui là. Ca demande quand même réflexion, car il me manquera une chose essentielle là-bas, les rencontres ! Car hormis quelques manchots ou pingouins, il n’y aura pas grand monde. J’ai aussi peur que ce soit monochrome, mais cela pourrait être mon 13ème continent.
Vous considérez-vous comme un aventurier du 21ème siècle ?
Non, les aventuriers pour moi sont des gens comme Mike Horn ou beaucoup d’autres qui prennent des risques que je ne prends pas. Je suis plutôt une sorte de Forrest Gump des temps modernes, même si finalement je ne fais pas courir beaucoup de gens.
D’où vous vient cette passion du défi et du voyage ?
De quelqu’un que peu de gens connaissent, Andy Payne, le vainqueur de la première traversée des USA organisée en 1928, un jeune fermier de l’Oklahoma. Un personnage que j’ai découvert en lisant La Grande Course de Flanagan.
Merci Serge Girard, à très bientôt pour de nouvelles aventures.
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