Oubliez le chrono et votre montre GPS, le fartlek est une invitation à jouer avec le temps et la vitesse, une séance de fractionné aux sensations aussi ludique qu’efficace. Voici quelques conseils essentiels pour aborder sereinement ce type d’entrainement.
De ce terme tour à tour étrange et étranger employé autant par les coureurs que les entraîneurs, il ressort de multiples interprétations. Force est de reconnaître que ce « fartlek » est devenu une grande marmite où bouillonnent d’innombrables manière de courir.
La plupart du temps, on constate qu’une grande partie de ces fartleks ne sont ni plus ni moins que des courses fractionnés comme on en pratique sur les pistes, à cette différence près que l’on court à l’extérieur d’une piste, sur toute autre surface, naturelle ou non.
Certes, libre à chacun d’appeler sa séance « fartlek » quand cela correspond à sa propre définition. Reste que vu de l’extérieur, le terme n’indique rien de précis, en dehors du fait qu’il suggère de réaliser des changements d’allures au milieu d’un footing.
Ceci étant précisé, on n’en sait pas davantage sur l’intensité de ces variations ou sur leur quantité. L’objectif de ce bref exposé sera alors de préciser un contenu, c’est à dire, donner quelques caractéristiques consenties sur cette forme de course. Ensuite, il sera peut-être utile de préciser à quoi ce fartlek peut servir.
Petit retour dans les années 60 pour mieux comprendre
Pour saisir l’essence de la séance de fartlek, il faut revenir à ses origines. Les suédois en sont les précurseurs et même les inventeurs. L’homme qui l’a imaginé a pour nom Gossa Hölmer et avait en charge les équipes de cross de Suède dans les années 60.
Le fartlek, ce jeu de course et de vitesse, fut donc un moyen original de casser la routine du fractionné (interval training) pratiqué de manière parfois outrancière, à l’instar de son plus célèbre représentant de l’après guerre, le grand Emile Zatopek.
Ce qu’il faut retenir en premier lieu, c’est que le fartlek s’écarte en bien des points du fractionné. Si la difficulté peut égaler celle ressentie au cours d’une séance d’interval training, celle-ci est mieux maîtrisée du fait que le coureur n’est ici pas robotisé. Parce qu’il n’est pas sous l’emprise du temps et de son implacable représentant, le chronomètre !
L’aspect philosophique du fartlek
Oui, Gossa Hölmer avait décidé d’oublier le chrono pour le remplacer par un autre élément d’appréciation, le cerveau humain, l’outil le plus élaboré qui soit, dont les facultés de régulation de l’effort physique sont encore insondables !
Dans ces conditions, le coureur cesse d’être assujetti par des éléments standardisés comme peut l’être une session d’entraînement en tout point programmée et planifiée jusqu’à ses moindres détails, mais qui ne laisse aucune place à la liberté d’expression individelle.
Avec le fartlek, le coureur retrouve cette liberté, réinventant sa propre course. Voilà pour l’aspect philosophique. !
Le fartlek et ses limites
Mais attention, ceci ne veut pas dire qu’il faut courir sauvagement dans tous les sens. Pour être efficace et répondre aux lois de l’entraînement, quelques limites doivent être fixées en respectant un minimum de consignes.
Celles-ci ne sont jamais strictes et laissent place à des improvisations dans le domaine de la durée et de l’intensité, issues des sensations de l’instant. Le fartlek, ce serait alors l’exploitation optimale des sensations immédiates transmises par son état musculaire, neuro-musculaire et cardiaque. En somme tous les signaux qu’un coureur peut ressentir, qu’il soient agréables ou désagréables.
Voilà jetées en deux mots clés, les variables d’ajustement de ce jeu de vitesse qui nous préoccupe.
Quelles durées et quelles vitesses.
L’objectif initial du fartlek, est bel et bien de faciliter la progression du coureur, grâce à une forme de course plutôt instinctive. Ainsi les intensités de course mises en œuvre au cours d’une session de fartlek tournent autour de la vitesse de compétition préparée.
Les limites se situent parfois un peu en dessous, parfois au même niveau, parfois un peu au dessus et selon les effets attendus, carrément plus haut. Tout dépend d’une part, du type de distance préparée, marathon, 10km, 5000m, 1500, 800m, cross, trail,… tout est envisageable.
D’autre part, la régulation d’un fartlek va être fonction de la période durant laquelle vous réalisez votre entraînement. En cela, le fartlek rejoint le principe de spécificité du fractionné où l’intensité croissante conduit au pic de forme.
Plus vous vous situez en amont de la période de forme souhaitée (plusieurs mois par exemple), plus le thème de vos séances tournera autour du développement du système aérobie. Plus vous en approchez (moins de deux mois par exemple), plus vous vous confronterez à des zones d’intensité égales à celle de votre objectif.
Enfin à quelques semaines de la course (moins de 6 semaines par exemple) vous pourrez vous autoriser des niveaux d’intensité élevés pour approcher de l’état de forme souhaité. Ceci reste très général, mais on imagine bien que ce petit « jeu de vitesse » varie beaucoup entre un spécialiste de demi-fond court et un marathonien.
En somme, un fartlek peut nous faire travailler différentes filières énergétiques, soit les unes après les autres, soient plusieurs au cours de la même session. Question de choix. Aérobie, anaérobie, un peu des deux, les combinaisons sont infinies.
Encore une fois, ces fourchettes d’effort se rapportent à la distance préparée. Si vous courez sur de longues distances de type ultra, la pratique du fartlek à haute intensité n’est pas directement applicable à la compétition. Cependant, le fartlek va s’avérer utile pour entretenir les qualités musculaires mettant en jeu des filières trop souvent négligées comme le niveau de PMA*. Dans ce cas, deux fartleks mensuels intenses peuvent suffire. Par contre, si vous voulez descendre vos chronos sur 10km, il faudra répéter l’exercice plus souvent.
*PMA Puissance Maximale Aérobie qui correspond à votre plus haut niveau de consommation d’oxygène. A noter que ce niveau est atteint à VMA mais peut l’être aussi en dessous de la VMA, comme lors d’un effort en montée ou sur des surfaces peu propices à l’atteinte de la VMA.
Fartlek collectif ou individuel ?
Les principes du fartlek collectif sont faciles à comprendre mais sur le terrain, ils sont plus difficiles à respecter. Pour le réussir, à 2-3-4 coureurs ou davantage, mieux vaut qu’il n’y ait pas de différences importantes de niveau entre les protagonistes.
Il faut aussi un leader, qui discipline la troupe, c’est mieux. Ce peut-être l’entraîneur, s’il arrive à suivre à pied ou à vélo. Le jeu consiste à varier les allures sous l’impulsion de l’un des participants, à savoir que ce dernier prend la tête du groupe et augmente l’allure durant un temps déterminé ou non.
Mais en vertu du respect du groupe, cette allure et sa durée doivent être compatibles avec le niveau du plus faible du groupe. Personne ne doit décrocher au point d’être dans l’impossibilité de recoller ! Le meneur d’allure doit aussi rester dans ses possibilités.
Beaucoup de ces exercices échouent quand le fartlek dégénère en compétition, que l’état d’esprit tourne à la confrontation. Il arrive assez souvent que l’un des participants maîtrise mal ses allures, croyant bien faire.
C’est pour cette raison qu’il faut un chef d’orchestre, capable de réguler ce genre de débordements pour le bien de tous.
Le fartlek individuel
Le même exercice en individuel convient parfaitement aux irréductibles, incapables de respecter les règles collectives. Si vous vous reconnaissez dans cette catégorie, vous disposez-là d’une excellente manière de vous éduquer à contrôler vos vitesses de course.
Les règles sont les mêmes, sauf que si vous n’êtes pas raisonnable et trop « bourrin », cela n’aura pas de conséquences néfastes sur vos petits camarades ! Vous seul passerez à côté des consignes et par conséquent des objectifs de votre séance de fartlek.
Comment réaliser une bonne session de fartlek
En abandonnant son chrono, son GPS ou tout au moins en ne le consultant pas, le coureur se retrouve alors livré à lui-même. Ce type de séance se réalise de manière traditionnelle en milieu naturel comme une forêt, autour d’un plan d’eau, un hippodrome, une pelouse de stade… la liste des terrains de jeu est extensible à souhait. Le macadam, pas très fun, trop monotone, reste possible quand il n’existe pas d’autre possibilité.
Dès lors, les irrégularités de terrain deviennent des éléments de jeu qui vont servir de déclencheur pour varier les efforts. Côtes, faux plats, plats, virages, sols mous, sols fermes, relances, sont autant d’occasions pour changer de rythme.
Une fois posé l’environnement, reste à éduquer le coureur, qui se retrouve confronté à ses sensations. Le fartlek impose des changements de rythme, la question se pose alors de savoir quand, comment, combien de temps, et à quel rythme ?
Plusieurs consignes sont possibles selon que la séance se déroule en solo ou avec des partenaires. Premier cas de figure, si le coureur est seul :
- Tu accélères quand tu veux à un rythme élevé mais où tu te sens bien. Tu tiens le temps que tu veux mais la limite se situe dans ta tolérance à l’effort. Pas question d’aller à tes limites, ce n’est ni un test, ni une compétition. Joue avec cette intensité pour réguler l’effort de façon à rester disponible tout au long de ta session. Ralentis, récupère en courant plus lentement mais pas trop. Si c’est le cas, c’est certainement que tu seras allé trop haut ou trop loin dans la difficulté …
Deuxième cas de figure, si le coureur est en groupe, le discours change quelque peu :
- Tu accélères quand c’est ton tour de le faire. Ton rythme doit rester dans une zone où tu te sens bien, mais tu dois toujours avoir un œil sur les derniers de ton groupe pour veiller à ce qu’ils ne soient pas distancés. S’ils le sont, ralentis un peu, si au contraire tout le monde suit, continue à faire ta part. Pas question d’aller à tes limites, ce n’est ni un test, ni une compétition… Ensuite, cède ta place au suivant.