42,195km en 2 heures 2 minutes et 57 secondes, c’est le record actuel détenu par Dennis Kimetto sur la distance du marathon. Pour passer sous la barre des 2 heures, il faudrait « simplement » améliorer cette performance de 2,4%. Un gain réaliste en l’état actuel des choses ? Voyons ce que dit la science.
Les américains, Christopher Arellano, de l’université Brown de Providence, Wouter Hoogkamer et Rodger Kram, de l’université du Colorado à Boulder ont analysé plusieurs pistes pour gagner ces 2,4% synonymes de record sous les 2 heures au marathon.
« How Biomechanical improvements in running economy could break the 2-hour marathon barrier » est un article publié lors de la 34ème conférence internationale sur la biomécanique dans le sport, organisée à Tsukuba en juillet 2016. Nous sous sommes donc intéressés ici aux différentes stratégies proposées par ces universitaires.
Basiquement, avoir une foulée plus économique permet à un athlète de courir à une vitesse proportionnellement plus rapide pour un même coût énergétique. Courir 2,4% plus vite reviendrait donc à gagner 2,4% de consommation d’énergie métabolique à la vitesse actuelle de 2 minutes 55 secondes par kilomètre. Le travail de Christopher Arellano et sa bande a été de se concentrer sur les aspects qui permettraient de diminuer ce coût énergétique.
Courir contre la gravité
Premier point à étudier, le poids ! Pour la masse on ne peut pas faire grand-chose : il faut du muscle pour courir vite même si concernant le poids, on peut toujours jouer sur la variation de la gravité autour de la Terre. Au niveau de l’équateur, la gravité est par exemple 0,31% plus faible qu’à Berlin. Quand on sait qu’environ 74% du cout métabolique en course est dû au poids, le gain obtenu grâce à ce changement de gravité serait de l’ordre de 0,23%, soit 17 secondes. On est encore loin du compte !
Sur un marathon, les élites perdent environ 8 à 9% de leur poids par déshydratation tout en réussissant à maintenir leur niveau de performance. Par temps froid, il serait donc possible d’optimiser l’hydratation sans perdre en performance. Déshydraté de 2% de son poids, le coureur pourrait maintenir un niveau de performance optimal tout en gagnant 1.5% sur le coût de l’effort, soit 108 secondes ! Une stratégie intéressante mais qui semble difficile à orchestrer.
Courir à l’aspiration
Second point à étudier, la présence d’un lièvre ! La résistance de l’air représente environ 10N pour un coureur de 58kg. Les auteurs citent les études de Pugh[1] qui ont montré que courir 1m derrière un lièvre réduit cette force de 93%. Pour obtenir les 2.4% de gain nécessaires pour passer sous la barre des 2 heures, il suffirait de réduire la trainée de seulement 50% ! Cela semble simple, encore faut-il trouver un lièvre qui tienne le rythme assez longtemps !
Pour réduire la trainée, il est mathématiquement possible de courir toute la course vent de dos. Les règles de l’IAAF rendent toutefois impossible de courir un marathon entier avec le vent dans le dos : la course idéale, proposée par l’équipe, serait donc un aller/retour de 21.1km, avec un lièvre, et un second semi couru vent dans le dos !
La technologie au service du chrono
Troisième point à étudier, l’équipement, et notamment les chaussures ! Des études réalisées en 2014 [2] et 2016 [3] montrent que le mouvement des jambes représente à lui seul 7% du coût énergétique, et qu’ajouter 100 grammes par chaussure augmente celui-ci d’environ 1%.
En faisant l’hypothèse d’une paire de chaussures de running de 230 grammes utilisée lors du record de Kimetto, la réduire de 100 grammes amènerait donc un gain potentiel de 1% sur le cout énergétique et la réduire de 230 grammes (poids nul) de 2,3% : quasiment la totalité du besoin !
Toutefois des études de 2014 [4] ont aussi montré que supprimer entièrement l’amortissement d’une chaussure n’entrainait pas de modification du coût métabolique. Il convient donc d’obtenir une chaussure très légère sans toutefois trop grappiller sur la semelle.
Ces 3 points permettent de penser que sur une course homologuée, avec une stratégie adéquate le record du monde semble atteignable. Le choix de Nike d’intégrer dans son défi le recordman du monde du semi-marathon semble intéressant dans l’idée d’avoir un lièvre qui tient l’allure jusqu’au semi même s’il ne sera pas facile de se cacher derrière les 1,60 mètres de Zersenay Tadesse.
S’affranchir des règles de l’IAAF ?
L’article offre aussi une vision intéressante de ce que pourraient faire les coureurs pour atteindre la barre des deux heures au marathon en passant outre les règles érigées par l’IAAF. Voici quelques exemples.
Des études ont en effet montré que l’usage d’un exosquelette pourrait apporté un gain de performance jusqu’à 24%. Cependant la règle 144.3d de l’IAAF interdit tout système avec des ressorts (ce qui élimine aussi quelques chaussures du commerce).
Courir sur une surface qui renvoie l’énergie pour aussi être une solution envisagée ! La diminution de la rigidité superficielle de la surface de course (par exemple un tapis) permettrait de courir en diminuant la flexion du genou, ce qui entrainerait inévitablement une réduction du coût métabolique. Toutefois, la règle 240.2 de l’IAAF stipule que, pour un record, un marathon doit être exécuté sur route.
Enfin, des études de 2002 [5] ont montré que courir avec une pente de -0,47% (soit 198.34m de D-) sur un marathon suffirait à réduire suffisant le cout métabolique pour atteindre la barre des 2 heures. Malheureusement les règles de l’IAAF n’autorisent pas plus de 42,2m de différence d’altitude entre l’arrivée et le départ pour que le parcours soit homologué ! Un marathon en descente ne semble donc pas non plus la solution miracle.
Références :
[1]Pugh, L. G. (1971). The influence of wind resistance in running and walking and the mechanical efficiency of work against horizontal or vertical forces. J o u m l of Physiology 213,255-76.
[2]Arellano, C. J. and Kram, R. (2014). Partitioningthe metabolic cost of human running: A task-by-task approach. Integrative and Comparative Biology 54, 1084-98.
[3]Hoogkamer, W., Kipp, S., Spiering, B. A. and Kram, R. (2016). Altered running economy directly translates to altered distance-running performance. Medicine & Science in Sports & Exercise, under review
[4]Tung, K. D., Franz, J. R. and Kram, R. (2014). A test of the metabolic cost of cushioning hypothesis during unshod and shod running. Medicine & Science in Sports & Exercise 46,324-9.
[5]Minetti, A. E., Moia, C., Roi, G. S., Susta, D. and Ferretti, G. (2002). Energy cost of walking and running at extreme uphill and downhill slopes. Joumal of Applied Physiobgy 93, 1039-46.
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