A moins d’une semaine du départ de l’UTMB, Sébastien Chaigneau a eu la gentillesse de nous accorder un entretien. L’occasion de revenir sur l’année difficile qu’il vient de traverser, mais aussi d’évoquer l’avenir du trail, discipline sur laquelle il porte un regard bienveillant.
Bio express : Sébastien Chaigneau 43 ans, Il fait ses débuts dans le trail en 2001 et devient professionnel en 2009. Vainqueur entre autres de la HardRock et de la Transgrancanaria en 2013, 3ème de l’UTMB en 2011, 2ème en 2009. Pour en savoir plus sur Sébastien Chaigneau, découvrez son portrait réalisé à l’occasion d’une journée passée chez lui.
Des hauts et des bas
Vendredi prochain, Sébastien prendra le départ de son 11ème UTMB, quoi de plus normal pour une course qui se déroule dans « son jardin » comme il aime à le dire. Mais cette 13ème édition de l’Ultra trail du Mont-Blanc a bien failli se dérouler sans lui. Après une année 2014 compliquée, c’est une mauvaise chute qui le stoppe une nouvelle fois alors qu’il reprend tout juste le chemin de l’entrainement.
« J’ai vécu un peu plus d’une année blanche car j’ai enchainé une sévère déshydratation et une mononucléose. Je n’ai finalement retrouvé les sentiers qu’en avril. Malheureusement, cela n’a été que de courte durée. Pendant une sortie, je suis tombé ! Une chute assez mauvaise qui m’a valu plusieurs côtes fracturées et un pneumothorax opéré en urgence. Bilan, 4 semaines d’immobilisation, et une reprise seulement 6 semaines avant le 80 km du Mont-Blanc. »
C’est donc sans grandes illusions qu’il a pris le départ de ce 80 km du Mont-Blanc qu’il finira tout de même à la force du mental et en luttant contre les crampes durant plus de 45 km.
Sébastien respire la volonté, celle d’aller au bout des choses, de ne rien regretter. Il se répète comme un mantra : « Si t’as pu aller au bout des 80, t’iras au bout des 170 de l’UTMB ». Avec Pascal Balducci, son nouvel entraineur, il a travaillé dur pour se remettre en état et être au départ, toujours dans l’optique d’être le plus efficace possible. Comme disent les japonais, chuter 7 fois et se relever 8, une philosophie qui colle bien au personnage.
Plus jeune que jamais
A 43 ans, il n’est pour le moment pas question d’évoquer une fin de carrière, bien au contraire : « Actuellement, je sens au fond de moi que je peux encore développer des qualités et des capacités, ou tout au moins les maintenir pendant un paquet d’années. Grâce à un système de mesures il m’est possible de définir mon âge métabolique, si administrativement j’ai bien 43 ans mon organisme lui n’a que 27 ans. »
Son objectif, rester compétitif encore pendant quelques années, il en a envie, il a ça dans le sang.
Cette année encore, il y aura un sacré niveau et du beau monde au départ de l’UTMB. Pour autant il semble difficile de faire des pronostics : « Xavier (Thévenard) va être prêt, Julien (Chorrier) aussi, car il ne laisse pas grand chose au hasard. Il y aura aussi les américains à surveiller ». Du côté des filles, c’est de plus ne plus relevé également : « Celle qui arrive à maturité et qui devrait faire une très belle place, voir gagner l’épreuve, c’est Caroline Chaverot. Elle pourrait marquer de son empreinte cette édition 2015. »
A quelques jours du grand départ, la pression monte : « Il faut rester détendu, après tout, c’est une course comme les autres ». Pour réussir, il faut avoir conscience « qu’on ne court pas l’UTMB pour les autres, il faut rester concentré, être organisé et rigoureux ».
De son côté Sébastien Chaigneau lui met à profit l’expérience emmagasinée sur les 10 éditions auxquelles il a déjà participé. Bien dormir, récupérer avant la course, se faire un programme et s’y tenir, limiter au maximum les imprévus. Voilà les secrets de la réussite sur l’UTMB selon lui. Ses deux plus beaux souvenirs sur la course ? « Le fait d’attendre kaburaki sur la ligne d’arrivée en 2009 et d’avoir fait 150 km avec Iker (Karrera), Kilian (Jornet) et Miguel (Heras) en 2011, là on a vraiment fait une sortie de groupe entre copains ».
Le trail, un sport simple
Finalement Sébastien voit le trail comme quelque chose de simple et l’avenir de la discipline lui importe beaucoup. « Il faut être présent actuellement, pour essayer de préserver l’identité initiale de la pratique afin de conserver au maximum l’essence même du trail ».
Il faut dire que depuis le début des années 2000, il a eu tout le loisir de voir son sport évoluer, et malheureusement pas toujours de manière positive : « En ajoutant du matériel, des obligations, des règles, on complique les choses et c’est dommage. C’est bien de vouloir mettre des barrières et des repères, maintenant il ne faut pas que cela se fasse à n’importe quel prix ».
Il est vrai que la pratique du trail se démocratise et c’est plutôt une bonne chose selon lui : « Que les gens fassent de l’ultra, du trail, de la course nature, des Mud Day ou des choses comme ça, ce n’est pas très important, le principal c’est que les gens se bougent ». Pour beaucoup, le sport est aussi devenu un moyen de reconnaissance sociale.
Un phénomène amplifié par l’hyper connectivité, notamment grâce aux réseaux sociaux que Sébastien utilise très régulièrement. « Je trouve ça intéressant de pouvoir communiquer avec les gens un peu partout dans le monde. C’est moins personnel mais beaucoup plus efficace. Il appartient à chacun de poser ses propres limites. Certains veulent tout étaler, mais tout ça finira par s’équilibrer ».
Un regard lucide
Les marques souvent diabolisées ont elles aussi bien compris cet engouement et profitent inexorablement de la manne financière que génère l’activité, mais pas seulement : « Restons lucides, elles sont aussi là pour faire évoluer le matériel. C’est la même chose dans tous les sports. Les marques ne sont pas là uniquement pour s’en mettre plein les poches, elles contribuent à crédibiliser la pratique, notamment par l’évolution du matériel ».
Quant au fameux esprit trail tant défendu par certain, il apparaît plus important de le défendre par son comportement que par des belles paroles distillées à qui veut bien les entendre. « L’esprit trail c’est aller courir avec ses amis dans la colline, s’arrêter aider un coureur durant une course. Malheureusement toutes ces choses simples se perdent, l’esprit de compétition a trop souvent pris le dessus », conclut-il l’air un peu désabusé.
Propos recueillis par Sébastien Réby
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