A l’occasion d’un court passage dans les montagnes de l’Atlas, nous avons eu le plaisir de partager quelques instants privilégiés avec un amoureux de la région, passionné de sport outdoor, Cyrille Sismondini, l’organisateur de l’Ultra Trail Atlas Toubkal.
Tout a commencé il y a une dizaine d’années quand il débarque au Maroc. Passionné de sport, Cyrille Sismondini se lance alors à la découverte d’un territoire dont il ignore tout, armé simplement d’une paire de chaussures de trail et de son VTT.
Dès lors, il n’aura de cesse de créer les opportunités qui lui permettront de partager le joyau brut qu’il venait de dénicher. « J’ai eu envie de faire partager cette découverte de territoire, de culture, d’hommes, de nature différente, c’est vraiment le point de départ de tout ça. »
Organiser un trail ici prend rapidement tout son sens. Car l’Atlas est alors une terre de trail authentique qui s’ignore. A travers un événement rassembleur comme l’Ultra Trail Atlas Toubkal, Cyrille Sismondini entend bien faire émerger le trail au Maroc. C’est dans la station d’Oukaimden qu’il pose donc ses valises.
Ici toutes les conditions sont réunies pour organiser une épreuve de qualité : Un terrain technique, un point de départ situé à 2600 mètres, de nombreux passages en altitude, plusieurs cols à 3000 et un point haut à 3670 mètres … « Même si les sommets n’atteignent pas ceux d’Europe, ici on chemine extrêmement haut. »
Mais au-delà de ça, ce qui caractérise encore davantage les sentiers de l’Atlas, c’est certainement cette sensation de bout du monde à moins de 3 heures de la France.
Ici l’aventure prend une dimension toute particulière qui donne du sens à l’effort. « Dans un contexte où on est très en phase avec ses propres émotions, des cheminements de pensée naissent du simple fait de l’isolement. » Le trail devient métaphysique !
L’Atlas est surtout un massif vivant, « les sentiers et les pistes sont des voies de circulations nécessaires pour désenclaver les villages. » Il n’est donc pas rare de croiser des villageois se rendant au marché, des bergers, ou des enfants à plus de 3000 mètres. L’UTAT est une épreuve qui a su s’adapter à son environnement.
Pour autant, organiser un trail dans l’Atlas revient parfois à défier les lois de l’organisation. « On travaille avec les savoirs faire locaux, guides, muletiers, pour trouver des solutions tout en appliquant les protocoles qu’on peut connaître en Europe. La difficulté de l’environnement dans lequel on s’exprime ne doit pas renier les fondamentaux de sécurité de l’événement. » A une différence près, au lieu de déposer les bénévoles en bus, ici ils partent 2 jours avant la course et se rendent sur les différents points de contrôle à pied avec les mules.
L’expérience acquise à travers l’organisation d’un événement comme l’UTAT pourrait d’ailleurs bientôt servir au plus grand nombre : « Nous sommes à l’aube d’une collaboration avec les autorités locales pour développer un protocole général de secours dans le massif de l’Atlas, chose qui n’existe pas aujourd’hui. »
Mais l’UTAT existe aujourd’hui de part la volonté farouche des organisateurs à faire émerger l’événement sur la scène internationale, malgré le peu de moyens. Car au-delà de la ferveur générale au moment de la course, le projet souffre d’un manque flagrant d’émulation au niveau local. « Nous n’avons pas encore réussi à rendre évident l’opportunité que représente l’évènementiel pour le développement territorial de l’Atlas. Il faut qu’on arrive à promouvoir davantage l’événement, à rallier des bonnes volontés. »
La course souffre également du contexte géopolitique actuel, des amalgames et des peurs qui en découlent. Pourtant, comme le dit Cyrille Sismondini « Sur l’arc nord africain, le seul pays qui n’a pas à souffrir d’une quelconque problématique qui secoue la géopolitique et suscite nos angoisses c’est bien le Maroc. Ici justement on casse un peu les clichés, la seule chose à craindre en venant sur l’UTAT c’est de se retrouver face à ses propres émotions. »
Venir à l’UTAT c’est très simple et pas plus compliqué que d’aller faire un ultra à l’autre bout de la France. Toutes les grandes villes d’Europe sont reliées à Marrakech. Et après 2h30 à 3h d’avion c’est la promesse de vivre une véritable aventure qui s’offre à ceux qui franchissent le pas chaque année.
Si aujourd’hui Cyrille Sismondini a à cœur de développer l’UTAT et d’en faire un événement incontournable sur le circuit d’Ultra-Trail, cela s’inscrit dans un projet plus global. « L’UTAT doit servir le territoire, mettre un coup de projecteur pour permettre l’émergence de toutes les initiatives locales à travers le sport outdoor, mais aussi la mise en avant du patrimoine, de la culture et de la nature. C’est vraiment la mission intrinsèque que nous nous sommes fixée. »
Au fil des ans, l’événement a fini par créer des vocations au sein des populations locales. Dans le sillage de Rachid El Morabity, de nombreux gamins des alentours viennent maintenant participer à l’UTAT chaque année. Un grand bonheur pour Cyrille Sismondini qui en tire même une certaine fierté.
Convaincu du potentiel des coureurs locaux, il envisage même de développer un circuit trail dans le pays, à travers toute la diversité qu’offre le Maroc. Il milite également pour l’organisation d’un championnat du Maroc, et rêve de créer un team pour emmener les coureurs marocains sur le circuit international. « Au regard des qualités et de l’attitude compétitive des coureurs marocains ce serait extrêmement intéressant pour le spectacle. »
Loin du formatage que l’on peut connaître sur les sentiers européens, l’Ultra Trail Atlas Toubkal est une véritable aventure qui s’approche au plus près de ce qui constitue l’essence même du trail-running. A travers l’événement qu’il organise chaque année, Cyrille Sismondini permet à quelques privilégiés de toucher du doigt ce qu’il a pu ressentir en découvrant la grandeur de l’Atlas, une bouffée d’émotion à plus de 3000 mètres d’altitude.
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